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Monsieur Magnette, prendre ses responsabilités, c'est défendre un tout autre projet de ville pour Charleroi

Monsieur Magnette, prendre ses responsabilités, c'est défendre un tout autre projet de ville pour Charleroi

Dans une récente interview, Paul Magnette a exprimé sa vision pour Charleroi et pour une collaboration avec le PTB. Se sentant conforté pour poursuivre le projet de ville actuel qu'il développe depuis 6 ans à Charleroi, il compte sur un PTB qui prendrait la voie de Syriza pour l'accompagner. Magnette a le mérite de clarifier les points de vue. Ouvrons donc publiquement ce débat fondamental pour l’avenir de la gauche en Belgique.

 

Changer de cap ? « Non », répond d'emblée Magnette.

« À Charleroi, pour ce qui nous concerne, le message qui est d’abord lancé par l’électeur qui nous a donné une majorité et m’a nanti d’un score très confortable, c’est de continuer ». C'est ainsi que Paul Magnette commente les résultats du 14 octobre pour sa ville dans l'interview qu'il a accordée au journal Le Soir. Le propos est clair : il n’entend clairement pas changer de cap. C’est également ce qu’il a déclaré lors de la première rencontre qu'il a eue avec le PTB après le 14 octobre : « si les gens râlent, c’est parce que cela va mieux », a-t-il osé dire.

Faire de Charleroi une ville à la mesure des gens ou des promoteurs immobiliers ?

C’est bien la question fondamentale qu’il faut se poser. La politique de la ville menée ces six dernières années par la majorité PS-MR-cdH à Charleroi est une politique libérale. 

Celle-ci est caractérisée par deux grandes orientations. D’abord, une politique d’austérité qui s’est traduite par une politique de non-remplacement des agents communaux qui partent à la retraite (un départ sur trois seulement) et des coupes dans les services publics avec la fermeture de bibliothèques, de piscines publiques, de maisons de quartier ou d’un restaurant social. Ensuite, le fait de concentrer énormément d’argent public pour des projets de prestige et de rénovation du centre-ville carolo afin d’attirer des investisseurs privés et de remplacer la population actuelle.

Marina, Palais des Congrès, résidence de luxe et piscine privée ...

Au total, c’est 200 millions d’euros d’argent public qui ont été dépensé ou vont l’être dans les années à venir dans le centre ville via les plans Phénix et Charleroi DC. Il s’agit de « city-marketing », de projets de rénovation urbaine dans la ville basse et la ville haute, mais aussi d’investissements pour construire des projets de prestige comme un nouveau Palais des Congrès ou une marina sur la Sambre (ensemble plus de 35 millions d’euros). 

Ces investissements ne sont pas une fin en soi, mais ils collent dans une stratégie qui vise à attirer les investissements des grands promoteurs immobiliers. Il y a déjà le grand centre commercial Rive Gauche qui est venu s’installer au cœur de la ville basse. Un nouvel hôtel et des logements de standings ont été créés autour. Parallèlement aux nouveaux investissements planifiés d’ici 2023 (pour 142 millions au total), il y a d’énormes projets immobiliers privés qui sont prévus. Notamment le projet Left Side Business Park qui comprend 4 tours de logements et de bureaux ainsi qu’un nouvel hôtel. Ou encore le projet Cayman qui s’étendra en bord de Sambre sur plusieurs centaines de m² avec des appartements de standing, une résidence-service de luxe, une piscine privée et un (autre) nouvel hôtel.

« Investir dans le social ici attire les pauvres d’ailleurs »

Il est évident que l’énorme majorité des carolos ne pourront évidemment s’offrir un de ces appartements de luxe, mais c’est bien là le but de l’opération. Il s’agit de vendre la ville au privé et de commencer par « gentrifier » le centre, par chasser ses habitants les plus pauvres. Il est logique dans cette vision d’y instaurer (puis d'augmenter) le parking payant. 

Lors de la rencontre qu'il a eue avec le PTB, Magnette a ainsi défendu qu'« investir dans le social ici attire les pauvres d’ailleurs ». C’est ce type de raisonnement qui explique sans doute le bilan catastrophique de la dernière mandature en termes de logement social, avec 500 unités disponibles en moins alors que la demande n’a jamais été aussi grande (4 000 personnes sur la liste d’attente). C’est la logique de la concurrence entre villes : il ne faut surtout pas faire trop de social pour ne pas attirer les pauvres des autres villes.

Pourquoi piquer les événements de Mons et Namur ? 

Dans cette vision libérale de la Ville, il faut donc faire moins de social, par contre, il faut encore construire un Palais des Congrès à Charleroi – même si toutes les études montrent qu’il y a déjà trop de Palais des Congrès en Wallonie – pour piquer des évènements à Namur ou Mons. Tout le projet de ville actuel part du principe que les richesses que pourront accumuler les investisseurs privés dans le centre ville finiront bien par ruisseler sur le reste de la population dans une logique purement libérale., Cette politique du ruissellement, de la concurrence entre villes et de l’austérité a caractérisé le projet de la majorité actuelle et n’a rien à voir avec une politique de gauche.

Que veut vraiment Magnette en ouvrant la porte au PTB ?

Résumons : la question politique fondamentale qui se pose dans le cadre des discussions d'une alliance entre le PS et le PTB au niveau communal est de savoir s’il y a une volonté ou non de rompre avec le modèle libéral de la ville. L'interview du bourgmestre de Charleroi au journal Le Soir laisse peu de doutes : il n’y a rien qui laisse penser à une quelconque remise en question. 

Par contre, le professeur Magnette fait la leçon au PTB sur ce qu’il devrait faire. « Le PTB doit prendre ses responsabilités », dit-il. Son objectif est clair : soit le PTB se plie à son projet de ville, soit il devra porter la responsabilité de l’échec. Par ailleurs, il n’hésite pas dans cette même interview à propager des contre-vérités en disant que le PTB n’a fait aucune proposition concrète ou qu'il a voulu appliquer 100 % de son programme (ce qui est d’ailleurs contradictoire). Une telle charge en plein milieu des négociations semble bien montrer qu’il n’y a pas de volonté constructive d’avancer en créant un quelconque climat de confiance.

Syriza est surtout l'exemple d'une gauche qui a plié. 

Dans la même interview, Paul Magnette glisse d'ailleurs qu’il espère voir le PTB prendre la voie de Syriza « une gauche radicale qui a pris ses responsabilité ». Le parti du premier ministre grec, Alexis Tsipras, est pourtant l’exemple même d’une gauche radicale qui a plié et a renoncé à ses principes. Élu avec le mandat de s’opposer à l’austérité et aux mesures anti-sociales, Syriza a en effet fait finalement exactement l’inverse en appliquant le mémorandum européen, en s’en prenant aux pensions et acquis sociaux des travailleurs grecs et en privatisant ce qui restait à privatiser. 

Cela a été fait justement au nom du fameux « réalisme », régulièrement invoqué également par Paul Magnette, qui pousse à dire depuis des années qu’il n’y a pas d’alternative à la politique libérale menée partout en Europe. Nous pensons au contraire qu’il y a une alternative, et nous savons que celle-ci implique une politique de confrontation difficile avec d’autres forces et d’autres niveaux de pouvoir, qui nécessitera notamment la mobilisation large de la population. Bref, la voie que préconise Magnette est exactement la voie que nous ne voulons pas prendre.

Prendre ses responsabilités, c'est défendre un tout autre projet de ville pour Charleroi

« Le PTB doit prendre ses responsabilités », mais c’est exactement ce que nous faisons. Que ce soit au niveau européen, national, régional ou communal, nous développons une alternative de gauche face au consensus (néo)libéral. 

A Charleroi, c’est bien parce que le PTB a été le seul parti à proposer un autre projet de ville qu’il a été ainsi largement soutenu par les Carolos jusqu’à devenir le deuxième parti de la ville, passant de 1 à 9 élus. Pour le PTB, les investissements publics sont des leviers pour une vraie politique sociale dans les quartiers. Les centaines de millions d’euros d’argent public prévus doivent répondre aux besoins des habitants en termes de logements sociaux et de logements abordables ainsi que d’infrastructures publiques (rénovations, piscines publiques, bâtiments scolaires, homes pour personnes âgées, ...). Les services publics doivent être également soutenus ainsi que le transport public pour répondre à l’urgence sociale et écologique. Les augmentations de taxes et impôts injustes pour les ménages carolos (IPP, taxe poubelle, parking payant) doivent être remplacées par des mesures qui touchent les grands promoteurs et les grandes entreprises. 

C’est sur base d’un tel programme que nous sommes prêts à conclure des compromis. C’est dans ce cadre que le PTB a avancé des propositions concrètes comme l’objectif d'avoir 30% de logement social dans chaque grand projet immobilier, comme la gratuité du transport public ou le fait de créer un Bureau indépendant de la transparence et de l'éthique. Des propositions concrètes qui ont toutes le même point de départ : celui d'avoir un projet de ville qui réponde aux besoins des carolos.

Il faudra créer un rapport de force (et plus longtemps que 10 jours)

C’est vrai qu'un tel projet impliquera une part de confrontation avec certaines règles actuelles (le coût-vérité, le plan de tutelle au niveau budgétaire ...) mais une politique de gauche est à ce prix dans la Belgique et l’Europe d’aujourd’hui. Et c’est justement le rôle de la gauche de mobiliser les gens pour créer un rapport de force. Dans une certaine mesure, c’est ce que Magnette avait fait pendant 10 jours sur le CETA avant de plier et d’accepter un mauvais accord. Pour le PTB, c’est cette politique qu’il faut mener sur le long-terme.

Relevons ensemble la tête.

Il est pour nous impossible de jouer la cinquième roue du carrosse, d’autant que le PS dispose à Charleroi d’une majorité absolue. Alors oui, le PTB continuera à prendre ses responsabilités. Jour après jour, dans les quartiers et les entreprises. Nous donnons une voix à la classe des travailleurs de notre pays, dans toute sa diversité. Nous encourageons les gens à relever la tête, nous informons, organisons et mobilisons. Nous mettons de nouveaux points de reconquête sociale à l'agenda, nous proposons des solutions et nous n'attendons pas les bras croisés. Nous montrons qu’il existe une alternative à la société capitaliste. Avec les milliers de gens qui nous rejoignent, ensemble, nous avons une responsabilité. Celle de récréer un rapport de force, de reconstruire la gauche en tant que force de lutte, en tant que moteur pour aller vers une société sans exploitation. C'est dans ce cadre que nous irons discuter avec le Parti Socialiste. Mais ce combat-là, quoiqu’en dise Magnette, et quel que soit l’aboutissement des négociations avec le PS, on continuera à le mener.